De la frontière belge à Dunkerque ( 16 mars 2012 mer du Nord- côte d'Opale)


" la mer me plait infiniment, mais abordée depuis un rivage, avec la promesse d'un diner de coquillages arrosé d'un vin blanc très frais" Denis Tillinac -Dictionnaire amoureux de la France-





J'ai longtemps rêvé cette marche au plus près de la mer des côtes françaises de la frontière belge à la frontière espagnole. J'avais du renoncer à cette promenade pour des raisons pratiques d'organisation. Difficile en effet d'abandonner femme et enfants pour plusieurs mois. Alors j'ai décidé de m'organiser différemment. Initialement j'avais prévu d'utiliser un vélo et même une petite remorque. Là j'ai choisi le train et la marche à pieds afin de procéder par étapes. Le voyage sera plus long, mais la lenteur de la marche me laisse apprécier ce qu'elle seule nous permet d'entendre et surtout de voir. J'espère vous faire partager cette aventure iodée en quelques mots et quelques photos au grès de mes étapes.

Vendredi 16 mars 2012, départ gare du Nord pour Dunkerque.

Le Tgv m' a opposé sa ponctualité. J'ai couru en remontant le train mais ses portes se sont refermées dans un même mouvement puissant d'acier. Les 2 agents SNCF derrière la vitre sont parfaitement impuissants face à cette belle machine qui n'a que faire d'un voyageur qui lui manque de respect. Ce même voyageur qui regrette sur l'instant les vieux trains aux lourdes portes que l'on pouvait encore maîtriser avant le départ pour s'y glisser après quelques acrobaties.
J'ai pu échanger mon billet sans aucun problème...J'arriverai avec plus d'une heure de retard à Dunkerque. En moins d'une heure le train arrive à Arras. Ce train écrase vraiment les distances et perturbe mon imaginaire. Cette région du Nord est si proche alors que je l'imaginais si lointaine avec sa grisaille et son brouillard. Ce brouillard il m'accompagnera durant tout le trajet comme une marque de cette région. Les villes traversées : Lens, Béthunes, Hazebrouk, Bergues évoquent bien pour moi le Nord et outre ce temps couvert je découvre aussi sans étonnement ces multitudes de maisons de briques qui apportent finalement un peu de chaleur à ces paysages.
Me voilà à Dunkerque. nouvelle surprise : les bus de la ville sont engrève car un chauffeur de la compagnie a été agressé la veille. Ce voyage est aussi une aventure. Il est donc aussi fait d'imprévus.
Après avoir attendu une vingtaine de minutes sur une place désertée par les autobus, je décide de prendre un taxi pour Bray-Dunes afin de me rapprocher de la frontière belge.
La Belgique est sur la droite en sortant de l'office de tourisme où l'on m'a remis une carte et l'horaire des marées : La mer sera haute à 19h. En avant toute. C'est tout droit, c'est tout plat et du sable à perte de vue.
Très vite à la sortie de la petite station bétonnée des blockhaus. Les signes de guerre sont partout présents ici. On est bien ici au coeur de l'Europe, avec la mer du Nord comme véritable autoroute de la mer depuis plusieurs siècles.
2,5km de marche environ et j'arrive à la frontière. Elle est invisible. Je la devine en cherchant un signe. Un poteau planté dans le sable. Un panneau écrit en flamand. Mystère de ces nouvelles frontières européennes. Un fil invisible les sépare et pourtant tout est différent de part et d'autre : la langue, les habitudes de vie.
Je n'irai pas jusqu'à la ville belge De Panne que j'aperçois au loin. Ma ligne de départ est bien ici un symbole avec comme ultime conquête la frontière espagnole. Je tourne donc le dos à la Belgique pour revenir sur Bray-Dunes, Zuydcoot, Malo les Bains et Dunkerque. La mer s'est retirée au loin. C'est bientôt marée basse. Il faudra que je tienne compte des marées pour chacune de mes étapes car la mer est souveraine sur son territoire.

"Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague et des vagues de dunes pour arrêter les vagues et de vagues rochers que les marées dépassent et qui n'ont à jamais le coeur à marée basse..".Jacques Brel.

La plage est immense. A droite sur la mer un bateau de pêche qui anime ses filets au dessus desquels s'animent des nuées d'oiseaux qui guettent quelques appâts pour participer à ce bal cruel pour les poissons...Ces poissons, j'en croiserais des dizaines abandonnés sur le sable, simples cadavres refoulés par la mer. Ce cimetière marin est bien garni aussi par ces milliers de couteaux, coquillages bivalves qui sur une bande presque régulière craquent sous mes pieds. Et d'autres coquillages se mélangent à des bois flottés ou à des plumes d'oiseaux de mer. Il fait environ 10°. Le ciel est gris et bas peu propice à de belles photos. Dommage car les nuances des dégradés sont intéressantes du sable jusqu'à la mer une épave d'un navire de la dernière guerre me permettra de mieux marquer ce contraste dans ce ciel fermé.
Arrivé à Bray-Dunes, un blockhaus semble encore surveiller la ville qui semble endormie. L'été est encore loin. Un panneau à la sortie de la ville indique la bataille de Dunkerque : L'opération dynamo en mai-juin 1940. "C'est ici que combattirent héroïquement jusqu'au 4 juin 1940 des unités françaises et britanniques...Par leur sacrifice, ces hommes ont contribué au succès de la plus grande opération de rembarquement de toute l'histoire militaire, ayant permis à 198000 soldats britanniques, 123000 français et 16000 Belges d'échapper à la captivité. Certains de ces hommes vont ainsi pouvoir reprendre le combat sur le sol français. D'autres vont constituer la trame des nouvelles unités qui permettront la victoire alliée le 8 mai 1945".
Mais avant cette victoire, l'envahisseur nazi marquera fortement sa présence à travers ces blockhaus, monstres de béton qui défient encore aujourd'hui le temps et marquent à jamais l'histoire malheureuse des hommes.

Je quitte Bray-Dunes, première commune française de mon épopée, après avoir pris la photo d'une friterie, marque gourmande locale.
Direction Zuydcoote. D'origine néerlandaise, zuit signifie sud et kot baraque. Je ne verrais pas la ville cachée derrière les dunes, en remontant la plage jusqu'à Malo Les Bains. Week-end à Zuydcoote, film d'Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo. J'avais oublié que ce film était l'adaptation du roman de Robert Merle (Goncourt 1949) qui décrit les pérégrinations d'un soldat dans la poche de Dunkrque. Zuydcoote fait partie de ces lieux qui restent gravés dans notre mémoire, même si on ne les connait pas : un film, un roman, un tableau.Week-end à Zuydcoote. Les Demoiselles de Rochefort. Les parapluies de Cherbourg. Tout cela en bord de mer...
Mes recherches m'indiquent qu'Hugo Pratt a évoqué Zuydcoote dans une aventure de Corto Maltese (Burlesque entre Zuydcoote et Bray-Dunes)

L'immensité de la plage n'est brisée que par la présence des blockhaus dans un alignement méthodique de défense jusqu'à Malo les Bains. Des enfants s'initient au char à voile qui apportent de la couleur et de la gaieté à ce désert de sable. Malo les Bains avec ses nombreuses villas finXIXème début XXème a fière allure. Ses restaurants, glaciers, brasseries annoncent une station balnéaire vivante. Mais aujourd'hui elle attend encore les beaux jours. Malo "la reine des plages du Nord" est collée à Dunkerque. Elle en est sa joie de vivre.

C'est mon point de départ...



Au loin la Belgique...




Bray-Dunes, première ville sur la côte française



"Nous irons manger des frites chez Irène..."Jacques Brel



Une épave de la dernière guerre à marée basse


Poisson mort à marée basse
Béton dans la brume



Avant de quitter Bray-Dunes, je ne me suis pas souvenu de la belle inspiration d'Alain Souchon et de son baiser osé. Je partage ici quelques paroles de cette chanson : 

Je chante un baiser 
Je chante un baiser osé 
Sur mes lèvres déposé 
Par une inconnue que j'ai croisée 
Je chante un baiser 
Marchant dans la brume 
Le cœur démoli par une 
Sur le chemin des dunes 
La plage de Malo Bray-Dunes 
La mer du Nord en hiver 
Sortait ses éléphants gris vert 
Des Adamo passaient bien couverts 
Donnant à la plage son caractère 
Naïf et sincère 
Le vent de Belgique 
Transportait de la musique 
Des flonflons à la française 
Des fancy-fair à la fraise... 


Malo les Bains, la plage de Dunkerque







Je ne connaissais pas Dunkerque, 3ème port de France...Je ne suis pas déçu. La ville bombardée durant la 1ère guerre mondiale, quasiment détruite pendant le second conflit mondial, a été reconstruite avec une réfléxion architecturale comme à Royan et au Havre. Cela lui donne une respiration urbaine que d'autres cités ont perdu au fil de leur histoire. Dunkerque est liée à la mer. Jean Bart est son héros. A l'entrée de la ville un quartier neuf et innovant démontre que la réflexion architecturale se poursuit avec élégance, avec le quartier du Grand Large. Son histoire a également été préservée avec la rénovation et la reconstruction de certains de ses monuments comme la cathédrale Saint-Eloi et l'inévitable beffroi qui lui sert de clocher. C'est aujourd'hui l'office de tourisme qui nous y accueille. Un ascenseur permet d'accèder à un carillon puis à une esplanade qui domine la ville et permet d'apprécier son panorama jusqu'à la mer. Aujourd'hui hélas le ciel est un peu bas. Je viendrais peut-être un jour pour le carnaval de la ville qui attire chaque année plusieurs milliers de personnes qui festoient comme l'atteste aujourd'hui le journal local "la Voix du Nord"


Dunkerque, la cathédrale Saint-Eloi vue du beffroi


Dunkerque, une ville reconstruite après la 2ème guerre mondiale


Dunkerque, le nouveau quartier du grand large



Frit'land






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